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Dès que l'accord
des Allemands (et leur financement) fut obtenu, sur l'intervention
décisive de l'ambassadeur allemand Otto Abetz, l'attitude
changea, le maréchal Pétain se réfugiant
dans le parti d'une certaine ambiguïté. Il ne
fit rien pour entraver la constitution de la Légion
des Volontaires Français contre le bolchevisme (L.V.F.),
le 11 juillet 1941. Il ne réagit pas à l'autorisation
gouvernementale donnée par l'amiral Darlan, chef
du gouvernement de Vichy (de février 1941 à
avril 1942) le 5 août. Et il semble passer outre ses
premiers regrets de voir les membres de cette milice servir
sous l'uniforme de l'occupant. Il se garde bien toutefois
d'en favoriser trop ouvertement la mise en place, interdisant
ainsi aux officiers d'active de l'armée d'armistice
de s'y engager.
La Légion des volontaires français
contre le bolchevisme (LVF) est une association privée
d’après la loi de 1901. Elle est fondée
en juillet 1941 dans le but de recruter des volontaires
en France pour combattre le bolchevisme sur le front de
l’Est. Elle est fondée
par Marcel Déat, d'après une idée de
Jacques Doriot, son président est Eugène Deloncle.
Un comité d'action,
composé de chefs de partis collaborateurs de Paris
et d'un comité d'honneur rassemblant des personnalités
religieuses, scientifiques et artistiques, se constituent.
Un communiqué précise ses objectifs : «Les
mouvements français ont décidé (
)
de représenter la France sur le front russe et d'y
prendre part en son nom au combat pour la défense
de la civilisation européenne » traduction
de l'aspiration de ces partis à l'édification
d'un "ordre nouveau" européen.
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Il s'agit d'engager des
volontaires français aux côtés de l'armée
allemande contre les Soviétiques dès l'hiver
1942. Par cette participation militaire au conflit, Darlan
et ses amis, convaincus de "l'inéluctable victoire
allemande", espèrent obtenir pour la France une place
plus avantageuse dans l'Europe nouvelle conçue par
Hitler.
Le 18 juillet 1941, (ou le
25 juillet) a lieu au vélodrome d'hiver la première
manifestation de masse pour lancer le recrutement pour
la Croisade antibolchevique . Deloncle, Déat, Clémenti
et Doriot président cette première réunion
de la LVF,
- Deloncle annonce l'envoi
de généraux en zone non occupée pour
recruter.
- Clémenti : "Ce n'est
pas la France qui a été battue, mais la bande
de salauds, de juifs et de capitalistes."
- Doriot : "Le bolchevisme
vaincu fera l'Europe unie."
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Marcel DÉAT
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Les autorités allemandes
donnent leur feu vert, mais limitent l'effectif à
100.000 hommes.
Le recrutement prévoit
la mobilisation des hommes âgés entre 18 et
45 ans, à condition d'être «né
de parents aryens» et en bonne santé.
En réponse à
une campagne de presse importante, au message de soutien
de Pétain au chef de la L.V.F. et au soutien des
préfets dans les efforts de recrutement des "amis
de la L.V.F.", seuls 800 sur les 1 600 hommes qui se sont
présentés, sont, suite aux méfiances
allemandes, retenus comme volontaires et regroupés
à Versailles. Les résultats sont maigres dans
les Côtes-du-Nord comme dans le reste de la France.
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En septembre
1941, Doriot part sur le front de l'Est (en Pologne) avec
un contingent de volontaires qui est intégré
de fait dans l'armée allemande (la France n'ayant pas
déclaré la guerre à l'URSS) et forme
le 638e régiment de l'infanterie de l'armée
de terre allemande. Les volontaires de la L.V.F. portent l'uniforme
allemand et prêtent serment au chef des armées
allemandes, Adolf Hitler.
Fin octobre, le régiment
part pour le front aux alentours de Moscou.
Les doutes sur l'assentiment
de Pétain se dissipent quand on lit le message qu'il
adressa aux volontaires en novembre 1941 : "A la veille
de vos prochains combats, je suis heureux de savoir que vous
n'oubliez pas que vous détenez une part de notre honneur
militaire. Il n'est peut-être pas de tâche plus
utile à l'heure présente que de rendre à
notre pays confiance dans sa propre vertu".
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Au début de décembre
41, sous les ordres du colonel LABONNE, le régiment
638 de la Wehrmacht reçoit son baptême du feu
à 50 kilomètres de la Place rouge de Moscou.
Son épreuve face à l'armée russe demeure
son seul épisode au front.
Après une débâcle
militaire à Djukovo, ses bataillons sont dispersés
et intégrés à des divisions de sécurité
où ils participent à la chasse aux partisans
russes, activité jugée secondaire par la Wehrmacht.
La L.V.F., devenue une unité
régulière de l'armée allemande, est jugée
«incapable de combattre sur le front russe». Le
rapport d'un officier allemand évoque l'incapacité
des officiers, le manque de morale ... ».(cité
par Antoine PLAIT - Revue Histoire des Armées)
En 1942, Vichy abandonne toutes
réticences et tente de récupérer la Légion,
le régime reconnaît l'utilité publique
de la L.V.F., et une nouvelle campagne de recrutement est
lancée.
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Le 18 juillet
1942, une loi du gouvernement de Vichy instaure la Légion
tricolore, la nouvelle appellation de la L.V.F.
Sur le thème du don
de sa personne au service d'une grande cause, la L.V.F. recrute
sous cette nouvelle appellation.
Pour appuyer cette incitation,
on fait appel à l'imagerie napoléonienne : la
Grande Armée charge, Napoléon Bonaparte en tête.
Du V majuscule de l'insigne à cette charge héroïque,
le message d'une victoire sans nul doute, d'une assurance
à toute épreuve doit donner envie d'intégrer
cette Légion à un jeune que l'on tutoie déjà.
Mais les autorités
allemandes, averties par le comportement jugé insuffisant
du 638ème régiment, refusent près
de la moitié des volontaires pour des raisons médicales
suite à des examen draconiens était dans le
but de limiter la taille de la LVF (décision prise
tardivement et en secret). Stulpnagel et le régime
militaire allemand se méfiaient énormément
d’une légion française et la L.V.F. passe
sous contrôle des allemands.
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Pour récupérer
les refusés, les partis politiques collaborationnistes
créaient une association des Amis de la Légion
afin d'établir un instrument politique mobilisable
pour une éventuelle «marche à Vichy»
aussitôt interdite par les autorités allemandes.
Les raisons de l'engagement
des volontaires dans la L.V.F. sont idéologiques,
de conviction catholique ou politique mais aussi économiques.
Outre que le droit aux pensions et la garantie de retrouver
son emploi ou d'être favorisé pour l'embauche
après la guerre, la L.V.F. accorde des soldes nettement
supérieures aux salaires dans le civil, notamment
pour les officiers. Un soldat recevait une solde de 600
FF ainsi que des indemnités de 1200 FF ; un
colonel encaissait 3000 FF et 12400 FF d'indemnité.
Comparé du salaire d'un dactylographe qui ne dépassait
pas le 2000 FF par mois, la Légion représentait
un fort intérêt économique, surtout
pour les officiers. Ainsi peut s'expliquer l'âge élevé
d'un certain nombre des recrutés ayant souvent participés
à la première guerre mondiale. (Antoine
Plait (1997) : La L.V.F. (1941-1944) : collaboration
vouée à l’échec. dans la
Revue de l’Histoire des Armées, No 207 juin
1997, p. 47-56)
Eugène BLOUIN a 45
ans lorsqu'il s'engage.
Finalement la tentative
de combattre aux côtés des Allemands et de
créer une troupe paramilitaire pour toute éventualité
en France demeure un échec. La société
française reste réservée à l'égard
des combattants côtes à côtes avec les
« boches ». La Légion à
vocation anti-bolchevique ne fait recette auprès
des Français. Jusqu'en 1943, seul 91 officiers,
390 sous-officiers et 2 825 soldats partent pour le front
de l'est. Pour l'ensemble de la période, on estime
l'effectif de la Légion à 20.000 hommes.
De plus, des incidents des volontaires en vacances avec
la police nuisent à l'image de la L.V.F., leur comportement
en « milice fasciste » contrôlant
des passants et extorquant de l'argent aux commerçants
lui font perdre sa crédibilité. Seule une
minorité, notamment les épouses des combattants
et les commerçants de Paris, semble avoir soutenu
la L.V.F. moralement et financièrement.
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En septembre 1943, Edgar Puaud reçoit
le commandement de la L.V.F. A cette occasion il est nommé
colonel de la Wehrmacht.
Inefficace sur le plan militaire
et doté d'un recrutement douteux, la Légion demeure
un instrument politique et de propagande, créé par
les partis collaborationnistes. En regroupant des «mercenaires
et des marginaux» (selon Jean-Pierre Azéma) dans ses
rangs, sa création avait des fins politiques. Pour Owen Davey
(auteur d'une étude sur la L.V.F.), la Légion constituait
une éventuelle armée de partisans, prête à
rentrer en France après une victoire définitive de
l'Allemagne nazie et à effectuer «la tâche de
nettoyage» (Owen Davey (1969) : La Légion des
Volontaires Français contre le bolchevisme. A study in the
Aspects of French Collaboration 1941-1942. University
of New Brunswick )
Finalement, en juillet/août
1944, le 638ème régiment (les restes de la L.V.F ,
un millier d'hommes) est amalgamé avec la Französische
SS-Freiwilligen-Sturmbrigade "Frankreich" pour former une grande
unité de Waffen-SS française.
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En effet, parallèlement
à la L.V.F, d'autres Français s'étaient
engagés dans les forces allemandes, dont les jeunes
du Maréchal qui partent pour le N.S.K.K,ces unités
se transformant peu à peu en unités combattantes.
Ces hommes quittent petit
à petit le N.S.K.K (surnommé Coin Coin !)
pour s'engager dans la Waffen SS. Le 22 juillet 1943 les
Français peuvent s'engager directement dans la Waffen
SS et sont formés à l'école de Sennheim
en Alsace, Deux cent miliciens durant l'été
43 s'engagent. Au printemps 1944 les Allemands forment la
Französische SS-Freiwilligen-Sturmbrigade "Frankreich".
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Le 1er Bataillon avec environ 1000
hommes à 3 compagnies arrive le premier en Pologne en août
1944 et combat avec la Horst Wessel" en Poméranie. Après
les durs combats dans les Carpathes (il reste environ 2/10°
de l'effectif.)
Le 2° Bataillon est formé
à Scharnegast (Région de Dantzig),
Le 3° Bataillon est formé
à Sennheim (Alsace).
Désignée
Waffen Grenadier-Brigade der SS "Charlemagne", cette unité
devient un groupe hétéroclite de 8 000 hommes
aux motivations diverses.
A cette occasion de nombreux soldats
quittes la L.V.F et partent rejoindre d'autres unités notamment
la "Das Reich", la "Totenkopf" et la Brigade d'assaut Wallonie
Des marins Français de la
Krigsmarine rejoignent la Waffen SS (Division Charklemagne) ainsi
que 1 000 miliciens. Tous les hommes se rejoignent au camp de Wildflecken
et forment désormais les Bataillon 57 et 58 de la Waffen
SS (33ème Division Charlemagne), ce qui se fais avec beaucoup
de difficultés ("Vieux" de la LVF - jeunes Waffen SS - miliciens
- matelots et hommes du N.S.K.K) outre les plus grandes difficultés
qui furent celles de l’approvisionnement. L’Allemagne
perdait la guerre et manquait de tout. La Divisiuon Charlemagne
fut déployé au front en Poméranie sans transport,
sans même des Panzerfaust.
Puaud, nommé général
par Vichy en avril 1944 et commandeur de la légion d'honneur,
est alors transféré dans la Waffen-SS au grade de
Waffen-Oberfüher (grade situé entre colonel et général).
S'il prend le commandement des SS français, son grade de
général n'est pas reconnu par les autorités
allemandes.
Le 10 février 1945, la brigade
devient division. Puaud en assure la direction opérationnelle,
hiérarchiquement sous les ordres du SS-Brigadeführer
Gustav Krukenberg.
Le
17 février les Français partent en Poméranie
pour tenter de faire barrage aux troupes d'assaut de l'Armée
Rouge en protégeant la retraite allemande.
Les hommes montent au front sans
aucun armement lourd ni même de Panzerfaust.
Le 22, à Hammerstein entre
Stettin et Dantzig, dès les premiers engagements, les 1°
et 2° bataillons du régiment 57 sont durement touchés,
le régiment 58 est lui aussi accroché, il fait retraite
vers Neustettin le 26.
Le 1 mars, la division est réorganisée
avec 2 régiments et dirigée immédiatement à
Korlin et est en place le 3 avec 4000 hommes, ils sont encerclés.
A Redlin, le Bataillon d'Henri Fenet
(selon Pierre du Vair) ou Fernet (selon Jean Mabire
in la division Charlemagne) avec KRUKENBERG perce vers Belgard.
Le régiment de PUAUD part
ensuite avec du retard, se retrouve isolé et est gravement
décimé. Edgar Puaud est porté disparu le 5
mars 1945, vraisemblablement mort.
Le bataillon de Bassompierre reste
à Korlin. Il perce à travers les Soviétiques
mais disparaît petit à petit en combattant jusqu'à
la mort.
Le bataillon de Fernet perce en
direction de Swinemunde. Le 12, des rescapés rejoignent Kolberg
où ils seront évacués par la Kriegsmarine.
D'autres se retranchent dans la poche de Dantzig et seront évacués
vers le Danemark
Début mars 1945, la division
"Charlemagne" est éclatée en petits "Kampfgruppen"
qui refluent en désordre.
On retrouve la 33ème division
Charlemagne à Carpin, on reforme 2 bataillons avec les restes
des combats précédents environ 700 hommes, le régiment
57 est commandé par l'Hauptsturmfuhrer Fernet et le 58 par
l'Ostuf Geromini.
Le 1 avril, ils combattent avec
la 4° SS Division Polizei et prennent le nom de détachement
"Martin".
Début avril 45, proposition
est faite à ceux qui le veulent plus combattre de partir
dans une unité de terrassement. Moins de 2% décident
de quitter la Waffen SS (devise oblige), 700 restent, le Bataillon
de terrassiers sera dispersé le 27 avril. Les hommes
mettent des affaires civiles et se font passer pour des S.T.O (Service
Obiligatoire) ou des anciens K.G (prisonnier de guerre).
Le 23 avril l'ordre est donné
de se rendre sur Berlin, 4 Compagnies, un Kampfschule (groupe des
écoles), l'État Major du Bataillon 57 et l'État
Major de la division, soit 350 hommes.
Le 25, une centaine d'hommes sont
dans Berlin. L'unité combat de façon morcelée
notamment par section, et perd ses hommes petit à petit dans
d'impitoyables combats de rues.
Le 28, Eugène VAULOT, après
avoir détruit au Panzerfaust huit chars russes est le premier
français a être décoré de la RitterKreuz.
Il est tué quelques jours plus tard.
Le 2 mai tout est fini, seule une
trentaine d'hommes captifs sortent de Berlin. Soixante deux chars
russes ont été détruits en combats rapprochés
par les Francais dans Berlin.
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Entre septembre 1941 et septembre
1944, quelque 30 000 Français se sont volontairement
engagés pour combattre, non sans courage pour certains
d'entre eux, au sein de l'armée allemande sur le front
de l'Est. Qui étaient ces volontaires français
sous uniforme allemand ? Étaient-ils seulement
ces "ingénus de 42", ces "petits pioupious de la L.V.F."
(auxquels certains reprochèrent en 1948, à l'heure
où le conflit contre l'Union soviétique semblait
inéluctable, de n'avoir "eu qu'un tort, celui de devancer
l'appel") ? Quelles ont été les motivations
réelles (philosophiques, politiques, économiques,...)
de ces étranges soldats qui, à la L.V.F puis
à partir de 1944 à la Waffen SS, crurent, paradoxalement,
servir leur pays en se battant aux côtés de ceux
qui l'occupaient ?...
Méprisés par
la majorité des Français, suspects politiquement
et militairement aux yeux des Allemands, les légionnaires
de la L.V.F. ne trouvèrent pas réellement leur
place dans le combat contre le bolchévisme.
Si "le recrutement fut
déplorable et ne comprit en très grande majorité
que des éléments tarés et des déclassés
inaptes à toute vie sociale normale aux motivations
diverses (politique, paye, aventure, possibilité d'échapper
à des poursuites judiciaires, lampistes) qui s'épuisent
dans des querelles sans fin entre P.P.F. et M.S.R" selon
certains, Mayol de Lupé, subjugué par le nazisme,
affirme que ; "si tous ne sont pas de petits saints,
il y a chez tous de la gloire, de l'héroïsme".
Pour les plus politiques d'entre
eux, l'engagement sous l'uniforme allemand et le serment des
légionnaires à Adolf Hitler n'ont représenté
qu'une étape de l'errance qui les a menés, comme
Doriot du Communisme ou come Marcel Déat du socialisme,
à l'impasse tragique de la collaboration avec les nazis. Selon
une estimation allemande, la L.V.F. n'aurait comporté
à ses débuts (environ 3 000 hommes retenus)
que 30 % à 40 % d'engagés par idéal.
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Le résultat prévisible
d'un tel recrutement ne pouvait être sur le plan militaire
que catastrophique. La fin de l'année 1943, avec la création
d'une unité française SS marque une mutation profonde
dans la nature même de l'engagement. Pour certains la lutte
ne doit plus se cantonner au seul front de l'Est et se verraient
bien prêter main-forte à la milice contre les maquis.
Dès lors, l'opération politique menée par les
chefs des partis collaborationnistes semble bien loin. Le prétexte
idéologique n'existe plus, les masques sont tombés
en même temps que le combat apparaît aux volontaires
sans espoir. Il n'est plus question de la France, mais de l'Europe,
de la victoire de l'Allemagne, de la race et du fanatisme national-socialiste.
"Les SS français sont en fait purement et simplement des
soldats allemands".
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